dimanche 30 octobre 2011

Un truc qui je sais est très mal mais (au cas où un lecteur extérieur viendrait malencontreusement se perdre ici) que j'affectionnais particulièrement, ce sont les somnifères.

Alors oui, ça a quelques inconvénients, et non des moindres, on est bien d'accord. Surtout qu'après deux bons mois d'utilisation quotidienne, je peux confirmer que les effets secondaires comme les pertes de mémoire et les lapsus ne sont pas une légende. Et la dépendance non plus.

Mais quel bonheur... Le bonheur de pouvoir aller se coucher sans angoisser, sans avoir à craindre de se retrouver face à ses fantômes à la con.
Et nom de dieu cet état de félicité absolue, ce moment où l'esprit s'en va tout doucement dans la pièce d'à côté, que les mots ne demandent qu'à jaillir et qu'il faut les retenir. Parfois sans succès. Souvent, en fait. J'en ai dit des conneries, et merci les logs msn au réveil le lendemain. Car même en lisant les mots-clés, je n'avais absolument aucun souvenir de la conversation de la veille. La joie, merde. 
Les muscles qui s'amollissent, les articulations qui se décontractent, le souffle qui se fait plus lent. Mieux et moins cher qu'un massage, l'expérience surréaliste en plus. 

Puis un jour, la boite est finie, il faut retourner dans le monde réel. Retrouver l'insomnie, les tournades et retournades dans le lit, les coups d'oeil aux chiffres digitaux et rouges. Et penser avec nostalgie aux moments où le sommeil n'était pas un mur...

vendredi 28 octobre 2011

Ces derniers jours, la douleur est d'une intensité telle que mes canaux lacrymaux sont comme resserrés. Ou asséchés, un peu comme une portion de Nil après un été trop fringant. Même pas moyen de pleurer, tout a déjà été dit. La fatigue m'enveloppe et me donne l'impression d'être enrobée de coton toute la journée. J'aimerais bien que ça cesse oui. Mais je ne peux même pas penser à ce que ça ferait, vu que j'ai oublié ce que ça procurait comme sensations de n'en ressentir aucune de négative. Je plains mes récepteurs synaptiques, qui doivent bien ramasser. Ce qui m'embête le plus, c'est que même la nourriture ne passe plus. Un peu comme si le coton en question était enfoncé jusqu'au plus profond de ma gorge. Du coup, mes forces se font probablement encore plus la malle. 

Il parait qu'il y a une fin à tout?

mercredi 19 octobre 2011

C'est marrant la cortisone. Je vais devenir une machine de guerre. Ouais. C'est d'autant plus cocasse que ça rend nerveux, et en même temps, ça donne envie de ricaner sardoniquement en criant  mentalement très fort comme un lapin crétin. Tu penses en all caps en fait. C'est un peu de l'auto-agressivité envers toi-même* et aussi, soyons honnêtes, un peu envers les autres. On va dire que c'est la fatigue. Et l'angoisse. Parce que bon on rigole mais la douleur est toujours là. Elle est même très là. Entre deux ricanements internes mes yeux roulent, comme s'ils voulaient se planquer pour ne plus voir flou. Pour ne plus voir tout ça, tous ces gens, tout ce monde si... vivant. Hier j'étais dans le métro, assise par terre parce que les sièges où tout le monde se regarde d'un air gêné étaient malheureusement pris, et mon dieu ce que je me sentais seule. Parmi tous ces navetteurs. La musique couvrait absolument toute l'activité, c'est comme si j'étais dans une capsule de douleur en plein milieu de tout, j'avais l'impression que mon aura malade était visible et que les usagers de la STIB s'écartaient naturellement.
Et puis, si je me souviens bien, j'ai eu envie de rire.


* j'aime beaucoup les pléonasmes. Et ils me le rendent bien.

mardi 18 octobre 2011

C'est fou quand même ce besoin de raconter sa vie à tout va. Peut-être pour chercher l'approbation d'autrui. Peut-être aussi parce que je n'ai personne à qui "vraiment" parler. Et que cette année d'enfermement forcé, de réconfort post-chimio et de soutien moral à qui en avait besoin est un peu trop lourde pour mon sac à dos.  J'ai tenu pendant très longtemps sans parler ni écrire vraiment, tout en accumulant. En cherchant le lisse apparent plutôt que profond. Il faut donc croire que je le paie maintenant. Parce qu'aujourd'hui, le moindre petit événement un peu contrariant est la poussière de trop sur le tas de crasses de cette année. Mais même si ça fait un peu mal de ressasser tout ça, j'aime cette sensation de poser les mots. De les déposer plutôt. De m'en débarrasser. Après tout, si ça tient en quelques caractères, compris par des millions d'autres personnes, c'est que ce n'est pas si grave au fond. Enfin j'aime à le voir comme ça. Un peu comme si les mots, laissés en consigne ici, ne pouvaient plus me rattraper.
Et surtout, ce que j'aime avec ce blog, c'est le fait de pouvoir enfin parler librement. Parce qu'aucun membre de mon entourage n'en possède l'adresse. Personne n'est obligé de lire, de commenter, de conseiller, de panser, de réconforter.
Ca fait un bien fou de se libérer de tout ce poids et de pouvoir cracher, sans offusquer ni gêner qui que ce soit.

lundi 17 octobre 2011

Là tout de suite ce soir, c'est le contrecoup d'à peu près un an. Il paraît que la roue tourne. En général quand on me dit ça je souris et je pense à "La roue de la fortune". Pour éviter de penser à ce que la vie serait si la roue tournait.
J'ai l'impression d'être trop vieille et de ne pas pouvoir taper du pied dans le fond du bassin pour remonter. Il faut un peu de temps pour digérer des heures de stress dans les couloirs d'hôpitaux, dénouer ses tripes et ne plus avoir l'impression d'avoir cette odeur collée à la peau.
J'aimais bien celle que j'étais avant, tout compte fait. Ici, chaque personne croisée me fait entrevoir tout ce que je rate en ce moment-même, tout ce que j'aurais dû/pu faire. Tu vois il y a des livres fabuleux sur "comment annoncer sa maladie à un proche", "comment gérer la maladie d'un proche" mais aucune sur "comment gérer la connerie (pourtant pleine de bonne volonté à la base) des proches". Et leurs phrases à l'emporte-pièce, censées panser et combler tous ces silences embarrassés. Mais ça ne marche pas. Ce qui fait qu'après tu te retrouves à blaguer et à user d'auto-dérision en te torturant les tripes, et encore après tu n'as plus envie. De rien.

Ça va passer tsé.

dimanche 16 octobre 2011

Mec, la cuisine me manque. Beaucoup. 
Mais impossible de tenir debout/assise donc, à part un ou deux gâteaux hein... 

Et manger me manque. Surtout. Manger des choses peut-être interdites dans le futur, comme par exemple, LE GRAS. Mordre dans une pointe de pizza encore brûlante et sentir les arômes de tomate, basilic et mozzarella se mêler tout d'un coup. Pour l'instant, il n'y que la croûte qui passerait.

Bientôt un an que je mange du pain et des pâtes, sincèrement je suis un peu fatiguée. Pour changer.

samedi 15 octobre 2011

Hier, j'ai commencé la cortisone. Avec à la fois de l'espoir et une certaine perplexité face aux effets secondaires tels que "entendre des voix/voir des choses qui n'existent pas", "se sentir seul" et "avoir des envies suicidaires". Pour l'instant, j'ai juste des vertiges et merci bien.

En fait, tout ce parcours visant à obtenir un diagnostic dure depuis tellement longtemps, que je ne peux m'empêcher de le trouver un peu vain et dénué de sens. La fatigue, probablement.
Ou les voix dans ma tête, hein, va savoir.

Bref, tout ça pour dire qu'à choisir, j'aurais préféré vivre dans le SkyMall. Pour être couverte de parures luxueuses et un brin vulgaires, tout en défiant les légumes avec un sabre laser et  en fermant hermétiquement le grenier pour empêcher l'amiante de s'échapper.

mardi 11 octobre 2011

It's oh so quiet.








But when I feel like shit,
I feel like shit.*
Suicidal Tendencies - Pledge Your Allegiance







Aujourd'hui j''aimerais remercier un intangible, parce qu'on a tendance à se focaliser sur le concret, le lourd, le vrai. Grossière erreur. On pense souvent à remercier les gens, éventuellement les gens imaginaires (ne pas commencer un article sur les JMJ, ne pas) mais rarement à ce que l'on ne peut serrer tendrement sur "Dreams are my reality". Donc ça m'a donné envie de parler de l'une des trois choses qui m'ont sauvé moult fois la vie : internet.

Internet, comment te dire à quel point je te remercie, malgré le pathétisme que tu peux involontairement induire. Tu arrives à transformer les heures en minutes, surtout les heures d'attente, tout en donnant l'impression, fuck yeah les envolées lyriques, d'ouvrir une fenêtre sur le monde (enfin surtout sur l'ennui des autres mais passons). Sans toi, pas de rigolades pendant les nuits d'insomnie en compulsant Tumblr, pas d'écrivage de blog intempestif pour calmer les nerfs, pas de découverte de modèles de point de croix encore plus cons que les précédents. Pas de dialogues de sourds, à en serrer les mâchoires de perte de patience, pas d'échanges de clips des 90's. Tu apportes en fait une poignée de confettis dans un panorama composé essentiellement de salles d'attente et de fatigue permanente, le tout enrobé de terminaisons nerveuses en furie.

Vu la situation actuelle quelque peu surréaliste, qui veut que les personnes faites de chair, sang et contre-empathie ne fassent plus vraiment partie du décor, je te serre très fort (et tu sais ce que ça me coûte...). 




* nul appel à l'aide mal déguisé ici, mais un gros big up à la langue anglaise, qui arrive à faire passer pour profondes des phrases d'une lourdeur magique dans toute autre langue.

lundi 10 octobre 2011

Parfois des trucs reviennent comme ça. Des trucs en images, gravées sur la rétine. Qui font stopper net toute activité.

Un regard bien hagard jeté vers un brancardier. Des paroles faussement réconfortantes et anodines pour tromper l'attente. Et mon dieu toute cette tiédeur, complètement affolante, si pesante de par sa légèreté totalement déplacée en ces lieux aseptisés, ancrés dans une routine froide, implacable et inhumaine.  La tiédeur qui pourrait faire croire que tout va encore bien, qu'il n'est pas trop tard, alors que.
C'est sûrement ce qui m'a le plus marquée, l'insolence de la température et son manque de gravité,  de compassion en fait. Son innocence était de trop, comme feinte, comme ce fameux leurre qu'est "ça va aller tu sais".

Cette barre d'angoisse embrochant les clavicules pour venir rouiller jusque dans les côtes, contraignant ces dernières à se soulever à un rythme bien plus lent, plus oppressant.

Et puis le soulagement, tellement coupable et tellement justifié, pourtant. 

Cette impression de ne pas avoir assez profité avant, sans pour autant y arriver, maintenant. Tant de mots contenus, durant des années, et qui ne trouveront dorénavant plus aucun écho. L'amertume est passée, mais la tristesse restera encore un peu.

jeudi 6 octobre 2011

Is it Johanne/a*?
Nope, Chuck Testa.

Mais en fait ça va bien, moralement tout ça. Les jours s'enchaînent et les dates importent peu, c'est plutôt "plus que 35 fois dormir avant le prochain rendez-vous". Ensuite, "on verra bien", qui est un peu mon master hit de ces deux dernières années.


* sincèrement, impossible de choisir

samedi 1 octobre 2011

Le bracelet brésilien qu'il m'a donné.






Ce qui me lourde particulièrement dans cette vie, c'est le besoin de tout peser, planifier, de devoir calculer le moindre geste. 

Peser, car ici on pèse tout. Les mots, d'abord. "Mal" et "douleur", surtout. Ceux-là on apprend à les doser, à les prélever miette par miette afin de ne pas s'intoxiquer et surtout de ne pas effrayer ou s'attirer les foudres de l'autre. "Souffrance", on oublie carrément. Trop Danielle Steel.
On pèse aussi le pour et le contre de chaque opération à effectuer, de chaque rendez-vous, de chaque geste, finalement. Parce qu'il faut garder des forces pour après, si besoin est. Chaque action devrait être pondérée, avec un nombre de points à ne pas dépasser par jour au total. Le weight watchers appliqué à la vie, mec. Le problème est que parfois l'envie, sentiment ô combien irrationnel, vient se mêler à tout ça. Surtout si on apprécie la personne qui fait la requête. Ce qui fait généralement exploser le score. Les points excédentaires ainsi engrangés seront bien entendu déduits de la provision du lendemain... Sick sad world.

Planifier, ce qui est ici un gros paradoxe. Premièrement, il faut bien prendre conscience que tous les gestes ne seront pas possibles et secondement que ceux qui seront possibles ne le seront pas forcément toute la journée. Et enfin, la notion de planification implique également l'annulation de dernière minute ou variable totalement indéterminable, vu qu'il est impossible de prévoir quel nerf va se coincer, quelle jambe va traîner, quel trouble va subir la vue. Ce qui donne en résumé : oui, enfin peut-être mais pas tout le temps vu qu'on ne sait jamais, je te confirme si je peux et s'il te plaît ne m'en veux pas si ça ne va pas. Bordel, ne m'en veux pas.

Le stade du calcul est quant à lui la somme (ou la soustraction?) des deux actions précédentes. Autrefois j'étais dans la classe des nerds dont tout le monde se foutait, en math 8h et sciences appliquées, espérant que ça me servirait plus tard. Et bien ça ne m'aide absolument pas. Ca ne m'a jamais aidée. Mais parfois je repense aux gnomons et souris parce que le nom est mignon. Ou au jour (11.11.01) où le prof a débarqué en classe surexcité et nous a fait traduire la date en partant du binaire. Soit. Tout ça pour dire que je n'ai pas les skills. Du tout. Mais que ça n'empêche pas d'en sourire un minimum.

De cela découle donc un léger boxon dans ma vie sociale, faite d'espoirs, d'excuses et de chansons écoutées en boucle pour ne pas penser.