dimanche 7 novembre 2010

Just say you never met me.






















Like memories of porno and tear stains
And tobacco, O... it's a mini disastro.


Cocorosie - Animals





Se rendre compte que l'on a passé des années à se poser des questions alors que la réponse était juste là, c'est très cliché. Ce qui n'enlève bien sûr en rien cette putain de haine, au noyau exclusivement constitué de regrets.

En ce moment, j'essaie de faire un top 3 des plus grosses conneries de ma vie.

A la troisième place, je demande l'ULB. L'enseignement universitaire a été à mon bonheur ce que la veillée funèbre est à celui du dépressif. Avant cela, je ne tenais certes pas très bien sur mes pattes, mais j'arrivais à garder le museau plus ou moins digne, à me trouver deux-trois qualités en passant, rien de bien méchant. Aujourd'hui, je suis une ombre, envie qui me taraudait depuis bien longtemps mais à laquelle je m'appliquais à résister. Une ombre qui rêve pathétiquement de pouvoir devenir un jour transparente, de se fondre au reste, d'en épouser toutes les anfractuosités et circonvolutions. En un mot: faire mieux que le caméléon BASF. Pas longtemps hein, juste le temps que ça passe, de ne plus rentrer le soir en ayant la mâchoire qui tombe, les paupières qui s'épaississent et les mains qui tremblent parce que les larmes refusent de jaillir. Ca prendra en gros quatre-cinq mois, il faudra bien tenir. La différence est qu'avant l'ULB, je ne ressentais pas tant le besoin de me prouver que non, je ne suis pas si inutile et vide.

A la seconde place, il y a le commencement de cette envie d'ombre. Le besoin de s'écraser avant que quelqu'un d'autre ne le fasse, histoire de sauver quelques miettes de ce qui ressemblait à de l'estime. Mais ça n'a pas marché. Je suis rentrée de Bretagne sans miettes, persuadée d'être la plus affreuse personne qui soit, au propre comme au figuré, sinon c'eût été trop léger à porter par la suite. Combien de mots blessants et d'humiliations, combien de regards baissés, de larmes inutiles. Adolescence, j'écris ton nom avec des nic-nac, que chacun piétinera du talon, sans jeter un regard par-dessus son épaule. Là où le bât blesse, c'est que j'y ai laissé des plumes. Une en particulier: celle dédiée au dessin. Je la cherche toujours, un peu timidement, mais elle devrait ressurgir si quelqu'un m'aide à la poursuivre.

Le winner des winners. Tant de regrets posés dans le sac-à-dos de la vie d'une seule et même personne, ce serait presque honteux. Ca l'est en fait. Ce coup-ci, j'ai compris bien des choses, à mon corps défendant principalement. Tout ce qui brille n'est pas d'or, tout ce qui semble rose ne l'est pas forcément, mais tout ce qui semble être de la merde est rarement un volume de la Pléiade. Ce théorème a l'air simple, mais une fois un peu éméché par la vie quotidienne, on mélange tout. Ce qui peut donner lieu a des situations affreusement cocasses.


Là j'ai mal à en avoir envie de détruire quelque chose de beau. De casser la gueule à Ludwig (en partie pour sa Sonate au clair de lune, bien sûr). D'arracher tous les parapluies des tableaux de Magritte. Juste histoire que le regret imaginaire remplace la douleur bien réelle l'espace de quelques secondes. Parfois ça marche. Quand ça ne marche pas, il y a toujours inspirer en inclinant bien la tête, avoir les yeux humides au retour à la normale et clore les paupières le plus longtemps possible pour mieux entendre la musique.

Bref, les erreurs je vois ça comme des petits post-it à coller un peu partout dans le cahier Atoma défoncé qu'est la vie. Hop, un petit papier jaune avec "Ne plus!", "Dernière chance" ou "Plutôt crever", et on s'en sort nettement mieux. Le tout étant de ne pas perdre ces petites choses si éphémères et encore moins de les oublier, comme tant de gens ont tendance à le faire ...


dimanche 29 août 2010

And be a simple kind of man.


















But it was not your fault but mine and it was your heart on the line
I really fucked it up this time... Didn't I my dear
?

Mumford & Sons - Little Lion Man





10 ans.

Encore, mais pas la même chose.
Je suis tellement dégoûtée de l'écriture que je me demande si ce texte va pour une fois ressembler à quelque chose...à quoi? Hmm.
C'est juste une dose de quelque chose qui court le long de mes veines et qui m'agrippe un peu trop fort par la nuque. Ça arrive. Mais ça dégoûte. Alors du coup mes mots s'agglutinent, ne daignent plus reprendre le cours normal de leur vie, et je me retrouve avec un stock d'images sur lesquelles il m'est impossible de poser la moindre lettre. Et les formes, les sensations restent en l'air, dans le vague, attendant de pouvoir être bien sagement empaquetées dans des mots, clairs, définis, obéissants à une syntaxe émise par une académie pas trop tarte. Alors je revois flotter le passé qui s'emmêle telle de la laine laissée à l'abandon.

Je vais essayer d'y mettre un pré-ordre.

La main dans ma gueule offerte avec sa dose d'incompréhension, le sourire mauvais avec un accent de "je le savais" quand mes points étaient trop dégueulasses, les regards en coin qui disent "c'est juste elle", des cris, ou plutôt des sons assez gutturaux et surtout assez inutiles et injustement expulsés, des menaces. Pas mal de menaces, mais bon en même temps pas vraiment. Faut regarder par terre pour que ça passe, c'est bien connu. Puis c'est passé, alors il faut bien sûr entamer un nouveau stade: les gens, plein de gens. Des noms à retenir, des parcours à refaire mentalement pour ne pas risquer de s'emberlificoter, des déceptions, oui. Mais pas trop, face aux rigolades, aux foirages, aux détresses communes, aux jours où le réveil est resté avec les bouteilles sur la table, sur laquelle il y a des numéros que personne ne rappellera, au jour où il a fallu tout arrêter, au moment où plus rien n'a compté parce que c'est comme si tout avait été déjà joué. Et en fait, on a encore joué, enfin c'est ce que je pensais, sa main enfoncée dans le matelas, alors que pour moi tout était déjà tombé bien plus bas, les violettes réservées à un congé maladie surprise, les fêtes avec trop de gens complices l'espace d'une cuite, les shakers rigolent en se cognant, l'appart se vide de tant de personnes, il ne reste plus que la sangria par terre et les cendriers pleins, l'atmosphère poisseuse d'une soirée où dieu merci il aurait dû se passer autre chose, des jours et des nuits interminables, puis un hublot. Ensuite l'océan et l'envie de pleurer parce que putain on est enfin dehors pour de vrai, complètement intouchables, si ça s'écrasait, ça resterait gracieux, c'est ça qui doit être pire en fait mais on ne va même pas y penser. Des guirlandes de phrases en anglais, avec un accent improbable, qui s'enroulent doucement autour de mon cou, pas comme un boa constrictor mais plutôt comme du cachemire, c'est mieux le cachemire, et ça fait tinter les oreilles, délicatement, presque docilement, ma mère me parle et elle ne pleure même pas cette fois, elle a choisi de dire "on est reparti pour un tour" à la place, du coup je fais semblant de sourire et de tout trouver merveilleux, parce que chacun a sa propre recette pour transformer la vie en merde. Un hochement de tête réprobateur, une remarque, une tête vers le bas, des cicatrices éternelles, mal recousues mais qui s'effriteront un jour. Et là, elle est pas moyenne la vie? Le métro, l'heure de pointe, l'oppression, le nez contre la vitre, on compte le nombre d'obscurités qu'il reste avant de pouvoir se faire délivrer. Une barbe, un peu de cuir, on dit souvent que c'est la recette du changement durable et louable. Moi j'y crois oui. Un chien, de l'herbe et des poires. Et là, la vie est juste bien.



samedi 15 mai 2010

No bright lights, no big city.























Do you think I'm easy like Bonnie and Clyde?

I know you won't catch me, Mommy's on my side.

Animal Alpha - Catch me





Aujourd'hui j'ai mal, mais bien. Ça m'a attaquée ce matin, au saut du lit, même pas, à l'ouverture des paupières. Et ça c'est vache. Parce que le matin, je n'ai pas les armes pour combattre ce genre d'opportunisme. Mais au final, ça ne change pas grand-chose, car j'ai une cellule "comédie" (un peu comme dans le sketch de Pérusse sur le cerveau) assez bien rodée, qui se met en branle avec une prestance qui m'émerveillerait si elle n'était pas si pathétique.

Le truc qui donne envie de rire parce qu'il n'y a rien d'autre à faire, sous peine de voir disparaître les composantes de notre plus proche entourage: se plaindre une fois appelle la compassion, se plaindre 15 fois appelle la bave au coin des crocs, les remarques acerbes et les regards en biais, voire en coin. Il y a une certaine logique sous-jacente à ce phénomène: plus tu te tais, plus tu te terres, au mieux les gens pourront se bâtir une image de toi totalement fausse. Mais qui sans aucun doute leur conviendra tellement mieux que la réalité. Ne leur jetons pas la pierre, après tout qui n'a jamais eu envie d'enrober le vrai, de l'enfermer dans un carcan de rectitude et de certitude qui ne sont certainement pas les siennes?

Et ben voilà.

Enfin on ne peut peut-être pas dire ça comme ça, mais je n'ai plus tellement l'habitude d'écrire. Là ça m'écorche, je me sens déplacée, dérangeante et inutile. Souvent l'écriture s'en va, et moi je reste là sans bouger, à dépérir sans moyen de communication, ou d'expiation plutôt. J'ai donc, empilés sur la cage thoracique, les crasses mentales de ces 4 derniers mois. Et j'ai un peu de mal à respirer, cette fois mon stylo me semble tellement lointain. Attendre histoire de le faire mariner un peu, ou courir à sa rencontre? Je crois que finalement la question n'est pas là. Que la question s'est barrée avec le reste de ma tête et que plus rien n'a vraiment d'importance, sans vouloir tomber dans les clichés du genre. Parce que les aiguilles qui transpercent mon corps sont un peu trop présentes pour le moment. Et ça fatigue un peu. Parce que les images sont troubles. Les gens aussi. Dans la rue ces derniers temps, j'entends mon cœur battre plus que je n'entends mes semelles claquer sur le bitume...



samedi 8 mai 2010

See you on the other side.




















Looks at him with eyes in paint blisters
Squeezes music through cheap transistors.
Therapy? - Safe






Toujours eu envie d'écrire dans cet état-là, sans pour autant avoir jamais cédé à la tentation.



En ce moment, je pourrais me décrire comme molle, indolente, totalement indifférente, sans vie, irréaliste, consciente. La vie s'échappe, elle court et danse et tout s'entrechoque pour se désagréger sans même me laisser le temps de desceller l'une de mes paupières. C'est comme si je ne servais plus à rien. D'ailleurs, ai-je jamais servi à quelque chose? Et encore plus casse-gueule : "servir" ça veut dire quoi aux yeux de qui? Alors du coup ma striip de vouloir être utile s'est évanouie. Une bonne chose de faite. Mais vu que j'ai abandonné une partie du futur, il m'a fallu aller plonger les mains dans la boue du passé.

C'est con mais ça fait mal.
Tout est là mais tout est loin derrière. J'ai donc envie d'aller rattraper tous ces gens.
Ceux qui m'ont fait du mal.

Mais ceux qui me tiennent davantage à cœur, c'est ceux que j'ai blessés. Si la somme d'excuses emmagasinables pour les 60 prochaines années (visons...large) pouvait venir se déposer dans une jarre, pièce après pièce, couche après couche, je crois que là, j'arriverais à retrouver le sommeil. Toutes ces excuses, tous ces mots, tous ces gestes fortuits, je les revois, comme en ombre chinoise sur la toile tendue de ma conscience. Si j'avais été assez bizarre étant enfant, j'aurais pris le temps de noter chaque petite chose, chaque baffe, chaque insulte non-méritées. Pour pouvoir ensuite aller leur balancer l'antidote. Un à un, je pourrais leur dire le pourquoi de mes actes totalement dénués de sens à l'époque, mais davantage décryptés aujourd'hui. Je pourrais pleurer, pour toutes les fois où je ne l'ai pas fait, par fausse fierté?... non. Par rien à foutre, oui. Je pourrais aller courir chez chacune de ces personnes, avec un Palm frisant l'apoplexie tant je le solliciterais, puis leur présenter mes excuses. Sincères. Et mes excuses sincères recevraient l'accueil qu'elles recevraient, honnêtement là je me reposerai un peu, le plus gros du boulot sera fait. Si les gens veulent m'envoyer bouler, qu'il en soit ainsi. Si on me propose un verre de vin à la noisette au Goupil, j'accepterai. Enfin j'irai quand même un peu sonder l'atmosphère avant, il paraît qu'épisodiquement ça met mal à l'aise ce bar.
Bref.

Toutes ces excuses. Tu sais, comme quand on doit faire un herbier en primaire, où en gros il y a le marronnier, le noisetier, le frêne et un quatrième quand on a de la chance vu qu'on va TOUS dans le même parc pour ramasser. Des feuilles. Mon herbier serait sensiblement plus vaste, une page avec une idée incrustée dans un beau papier tendre, recouverte d'un papier plus fin, genre kraft ou crépon pour faire arty.

Il me restera juste à essayer de comprendre pourquoi le besoin de s'excuser constamment occupe une telle place dans ma vie : pour faire comme Earl, ou alors pour que les Earl m'imitent et puissent enfin m'apaiser. Cette question me tourne pas mal dans la tête, surtout en ce moment après avoir pris cette petite pastille blanche, obtenue sur ordonnance bien sûr (en matière de médicaments, une loi parmi les autres a à mes yeux plus de poids: plus c'est petit, plus ça déchire le cerveau).

Pour conclure, je crois que jamais je ne me séparerai de ce besoin de m'excuser d'exister, de compter le nombre de "je" dans une phrase et de penser que je ne le mérite pas, d'avoir envie d'aller chez l'ostéo et puis de me dire que vu que c'est pour moi..., de flipper si mes fringues ne sont pas les moins chères possibles: parce que ça doit se mériter une belle chose, de prendre le moins de place possible dans l'espace, dans la tête des gens. En un mot, si je devais mettre une pancarte sur ma chambre d'hôtel, ça serait "Please, I don't want to disturb" ou "Pardon. Pour Tout.".


lundi 12 avril 2010

Show them why you were born.





















He couldn't quite explain it
They'd always just gone there.
Crash Test Dummies - Mmm Mmm Mmm Mmm




Durant ma longue et cocasse existence, je crois avoir intégré 2 équations essentielles à une meilleure avancée sur le chemin grumeleux de la vie :

1) Alcool + imagination = ∑ regrets ∗ ∑ non-dits
2) Enfant unique = chacal

Dans la mesure où je bois moins que je n'existe, c'est la seconde qui me sert le plus souvent. Parfois, l'espoir renaît un peu, puis à la fatidique question "tu as des frères et sœurs?" entraînant mon honnête réponse, mes illusions retombent pire qu'un soufflé au fromage dans Un dîner presque parfait*. Quand ma dernière syllabe est prononcée, je baisse les yeux, signe de défaite anticipée. Et aussi car je sais ce qui m'attend plus haut : regard condescendant (non mais qu'est-ce que tu as dû t'emmerder), traits figés en une moue de dégoût (les enfants uniques sont tous des petits cons égoïstes et capricieux), scepticisme (mais comment est-ce possible de ne faire qu'un enfant?).

Et oui, pour la majorité des gens, j'ai bien l'impression que les enfants uniques sont des chacals. Ce qui est un peu vexant, vu que le chacal fait partie du groupe des animaux rédhibitoires, dont les autres membres sont bien sûr la hyène et le fennec. Étant donné que je n'aime pas trop être comparée à un animal rêche et possédé par le diable, j'ai tenté d'examiner ce préjugé de plus près. J'en ai conclu ceci : pour le quidam standard dans la norme, le chacal attire les maladies (comme les pigeons, souvenez-vous de ce qu'on nous disait quand on était gosses). L'enfant unique, par comparaison, attire tous les défauts les plus pesants aux yeux de la société. A chacun de ces bons gros défauts, je peux cependant exposer un contre-exemple, devant bien défendre ce fabuleux honneur de n'être qu'une. C'est parti :

- l'égoïsme : il y a encore 2 ans, ma mère partait au boulot avec un tupperware contenant un plat à réchauffer, fait par mes soins, expressément pour elle. Avec la sauce dans un petit pot à part. A PART. Toujours dans le domaine culinaire, j'ai maintes fois regretté de ne pas faire partie d'une grande fratrie, tellement cuisiner pour 12 dans d'énormes casseroles me plaît. De plus, les gens les plus égoïstes qu'il m'ait été donné de rencontrer sont en général les petits derniers d'une plus ou moins grande fratrie, habitués à avoir tout ce qu'ils veulent, franchement très libres grâce à leurs aînés ayant défoncé les portes de l'autorité avant eux. Je crois aussi que c'est beaucoup plus facile de partager alors qu'on ne vous a jamais forcé à le faire avant.

- l'individualisme : alors là, oui mais non. Non parce que de temps en temps c'est bon de se ruer dans les bras de quelqu'un, de passer quelques jours 24h/24 ensemble à en avoir envie de se mettre des baffes à la fin, de prendre soin des gens en les écrasant sous des kilos de pâtisseries. Par contre, oui, j'aime bien être seule. En même temps, j'ai envie de te dire que jouer à un à "Qui est-ce?" et à "Max le Serveur", ça te forge un caractère. Ça t'apprend que les autres c'est gentil, mais parfois c'est superfétatoire. D'ailleurs, le mot "superfétatoire", tu as pu l'apprendre grâce à l'une de tes nombreuses et longues après-midi de chacal unique, perdu sur ton lit avec un "Enrichissez votre vocabulaire".

- le pourri-gâtage : là, ça dépend des parents. Je crois surtout que c'est plus facile de nous demander notre avis vu que les conseils de famille sont rapidement organisables. C'est donc plus simple d'avoir une relation théoriquement "proche" et "harmonieuse" avec ses parents. J'impose des guillemets, et si j'avais pu j'en aurais mis 12 parce que quand tu as envie de mettre le bouzingue à la maison, enfant unique ou pas, bah, tu le mets. Pour ce qui est du gâtage matériel, c'est plus une question de salaire des parents et de condition sociale, de volonté d'impressionner le voisinage.
Quand on reçoit une caravane Barbie, ce serait con d'en recevoir 2 (ce qui aurait pu devenir un proverbe altermondialiste). Tout ça pour dire que oui, nos parents ont logiquement plus les moyens de nous pourrir (sauf s'ils dépensent tout au casino/avec les prostituées/en Mc Do), mais qu'ils ne le feront pas forcément.

- l'anormalité : bon, ici par contre je n'ai pas trop d'arguments. Mais pareil, c'est surtout les jeux de société joués seuls qui rendent un peu dingue. Ça n'a l'air de rien comme ça hein, mais faire un Trivial Pursuit seul en changeant de voix pour chaque couleur, au bout d'un moment, ça endommage la psychomotricité. Et le reste. La solitude, ça laisse aussi beaucoup plus de temps pour se poser des questions et se forger une image du monde légèrement décalée par rapport à la réalité... Durant mon enfance et surtout pendant les grandes vacances, j'avais souvent l'impression d'être prisonnière d'une bulle, de plonger dans une grosse flaque de léthargie et de perdre le contact avec l'extérieur. Chaque pas vers l'autre devenait une épreuve. Mais bon, ça a un peu changé. Mais pas tant.

On a aussi moins de pression du point de vue de la compétition, mais du coup aussi moins de repères. C'est plus difficile de se construire sans modèle accessible... Je pense qu'en tant qu'enfant unique on est tout de suite vu comme un adulte en devenir, comme celui/celle qui va devoir s'intégrer aux deux autres, qui n'ont décidément plus envie de jouer aux enfants. C'est plus vite sérieux, il y a moins de place pour les balbutiements et les approximations. Bref, si l'on considère la variable éducation, c'est parfois un peu la foire, et la normalité devient une notion toute relative. Donc pour ça, merci de continuer à dire "ah mais c'est pas grave, elle est fille unique".

Ce qui m'amène à conclure que si j'avais pu choisir, j'aurais eu PLEIN de frères et sœurs. Ça m'a manqué de ne pas pouvoir rire/me battre/jouer/discuter/me faire emmerder jusqu'aux larmes par quelqu'un. Du même sang du moins.


* Edition ados de la semaine dernière FA-BU-LEU-SE.

samedi 10 avril 2010

No more eatin' for them now.





















I went to a gig but nobody danced, everybody was far too cool,
All the kids just stood there, is it the same at their public school?
Hadouken! - That Boy That Girl




Le riz au lait.


Ce doit être le dessert qui m'embrume le plus le regard en l'espace de quelques secondes à peine. Mon estomac se resserre, mon système oculaire interne et purement personnel s'escrime à vouloir jeter un énième vain regard par-dessus les épaules de toutes les histoires peuplant ma mémoire. Je lui ai déjà dit que s'évertuer à vouloir tout contrôler simultanément, ça ne valait rien : il faut y aller pas à pas.

Le premier pas, c'est celui du riz au lait, les autres ce sera pour une prochaine fois. Le plat le plus régressif, selon un sondage qu'aurait pu mener l'Ifop* pour La Laitière de Nestlé. Régressif sur le plan gustatif, mais pas que : point de vue préparation, le score n'est pas mal non plus. Des heures à surveiller, à mélanger délicatement, à guetter l'ébullition... De l'assistanat culinaire dans toute sa splendeur.

Pour une cuillerée engloutie, une réminiscence full option en cadeau : les gens présents à ce moment-là, l'odeur de la cuisine, les meubles kitschs mais drôles, tout ça dans une bulle pâteuse à la vanille. Je n'ai rien inventé. Mais Proust non plus. Chacun son dessert...

Ça, j'ai envie de dire que c'est le chemin "normal". Si le nez est le disque dur externe du visage, alors le goût est la barrette de ram supplémentaire, celle qui va booster tous ces souvenirs, bons au mauvais, actes quotidiens ou extraordinaires. C'est grâce/à cause du goût qu'à la première incisive plantée dans un biscuit qui avait l'air quelconque, on revit l'expérience qui y était liée. C'est souvent une bonne baffe dans la gueule, positive ou négative, comme si chaque molécule odoriférante venait s'infiltrer par le moindre pore de la peau, parasitant l'ensemble du corps pour le contrôler, nerf par nerf, en le détournant de l'activité initialement prévue. Tout ça pour soulever l'individu non pas vers son avenir, mais pour l'enfoncer et lui faire boire une tasse de son passé.

Pour moi, le riz au lait, c'est aussi des souvenirs, mais peut-être pas les mêmes.
Aujourd'hui quand j'en cuisine, je dois me préparer psychologiquement parce que je sais qu'en faisant inlassablement tourner la cuillère en bois dans le fond de la casserole**, c'est un peu comme si je me concoctais une potion spécial flash-back. Parce qu'à chaque fois que je prépare ce plat, je sais que même sans avoir la plus petite faim, j'en goûterai une cuillère. Et là mes paupières s'alourdiront, les coins de ma bouche s'affaisseront et les images danseront très vite.

Ce matin-là, je m'étais dit, allez, ça fait longtemps, vas-y...
J'ai donc pris mon courage à 2 mains pour monter dans 3 trams et 2 métros différents, afin d'avoir le plaisir d'aboutir dans l'un des quartiers les plus ravagés de Bruxelles. Après cette charmante balade, comme toujours, tu m'attendais à la fenêtre. En souriant, en agitant la main, et probablement en disant à ma grand-mère que j'avais très mauvaise mine, que j'avais encore maigri et que mes vêtements ne ressemblaient à rien. Et on ne parle même pas de ta couleur de cheveux!
Je suis montée, on a gentiment discuté. Pour une fois ça se passait bien. Logique : les autres n'étaient pas là. Tu nous avais préparé des pilons de poulet et une salade de carottes... je m'en veux tellement je suis conne de retenir ce genre de détails. La viande n'était pas cuite, mais je me suis dit que tu ne devais plus très bien y voir. Ce devait être pour ça, oui... Même si quelques années auparavant, un serveur ayant l'outrecuidance de t'apporter une viande pas assez ou trop saisie aurait été bon pour un passage de savon bien dans les règles. Préférant contourner l'obstacle et sentant l'angoisse fleurir au niveau de mes genoux, j'ai avalé sagement le plat, tout en essayant de ne pas penser à ce qu'on dit sur les mérites bactériologiques du poulet cru et en me forçant à penser rationnellement qu'après tout, un animal mort reste mort, qu'il soit cru ou cuit. Ça a relativement bien fonctionné, à peine quelques haut-le-cœur...

Et c'est là que PAN, tu es revenu avec du riz au lait. D'énormes ramequins de terre cuite et vernie, remplis à ras-bord de riz au lait, oui, mais de riz au lait au chocolat...
Alors il faut savoir que le chocolat et moi, on a une relation assez spéciale. Un peu comme une fille qui a un carnet avec les numéros de ses amants, dont une ligne a été fermement bien que multiplement barrée. Elle se dit ce soir-là qu'elle va laisser une dernière chance à ce nom barré, qui va peut-être, pour une fois, la surprendre au lieu de l'inonder de sa tendresse dégoulinante et déplacée, qui même si elle est rassurante, est un peu lassante. Même si la fille sait qu'elle va encore barrer ce nom le lendemain, elle sait aussi qu'elle avait besoin de lui à cet instant et que lui ne demandait que ça, tout en sachant comment ça allait finir. Donc pour ceux qui pensent que la métaphore filée c'est complètement 2009, je traduis : le chocolat ok, mais on s'en lasse vite tellement c'est trop indécemment bon et sucré, et surtout tellement indigeste au bout d'un moment... C'est justement ce trop qui manquera une fois le cacao digéré. Alors quelques temps après, on en reprendra un carré pour vérifier que c'est toujours aussi indécent, juste pour se rassurer encore une fois.

Donc, il me sert du riz au lait au chocolat. Il était de notoriété plus familiale que publique qu'il aimait la cuisine certes, mais surtout traditionnelle et bien préparée. La tradition ici avait bien morflé. Ce sont mes canines qui ont essuyé la première salve d'attaques : le riz trop cuit collait et s'étalait entre les dents. J'ai voulu fermer les yeux mais je me suis dit que ça pouvait être mal interprété : le dégoût et la jouissance ne sont facialement pas si éloignés, et si tu m'avais proposé d'en reprendre je n'aurais pas pu dire non. De l'eau chocolatée surnageait dans cet über-ramequin (contenance : environ 1/2l) et parvenait à dissoudre la crème du riz, la rendant grumeleuse et peu appétissante à la vue.
Je ne sais pas comment j'ai fait, mais j'ai réussi à sourire tout en avalant ça. Tout en avalant TOUT ça, parce que même à 20 ans, je savais que tu allais me faire la morale si je ne finissais pas mon assiette.

Après je suis partie, des perles de plomb au coin des yeux, une brique de 3kg sur l'estomac et une de 10 sur le cœur. Parce que ce jour-là, j'ai compris que c'était fini. Que tu étais fatigué. Que si même l'objectif d'épater culinairement ta petite-fille ne te suffisait plus, ça voulait dire qu'il était temps.

5 mois après, tu nous as dit 'Au revoir les enfants'.
5 ans après, je souris bêtement à défaut d'autre chose, avec à la main une cuillère en bois tournoyant dans la casserole de lait.



* http://www.ifop.com/
** pour que le riz n'attache pas, est-il besoin de le mentionner?

mardi 6 avril 2010

Get yourself a car.
















Every seed that I do sow, harvest time and nothing's grown
Coffee's cold and I've been sold for half a dollar bill.
Abigail Washburn - Coffee's cold




Ça fait longtemps, mais bon.

Depuis quelques mois, je me sens suisse. Je n'ai d'avis sur rien ni personne, juste envie que "ça" passe et qu'on m'oublie, bien tranquillement, qu'on me range dans un coin et qu'on ne fasse même pas exprès de ne plus se souvenir où on m'avait posée. Mais qu'on m'oublie vraiment.
Et puis qu'on arrête de me parler. Qu'on arrête d'essayer de m'adresser la parole une fois sur le bitume, alors que mes écouteurs blancs tranchent bien avec ma kératine noire (peut-être même que c'est fait exprès, on ne saura jamais) : les écouteurs, c'est un peu le panneau "do not disturb" de l'être humain. Il faut croire que ça fonctionne moins bien, nettement moins bien.

Le problème, c'est de définir le "ça" qui doit passer. Est-ce que c'est un mot-valise, où on met tout ce dont on a envie, comme dans l'un de ces affreux sacs Chanel Cocoon*, où est-ce qu'on compartimente, un peu comme dans ces boîtes à trucs qui me fascinaient quand j'étais gosse. Question sans fin ni fond, vu que je ne vais rien en faire. Non pas que ça soit vain, mais ce n'est juste pas le moment. Tout glisse, tout finit par s'en aller, et la boule est revenue se nicher au creux de mon putain de sternum. Mais en plus fluide, en plus malléable. Donc ça va?

Surtout ne pas sortir, surtout ne pas boire, ne pas rencontrer de gens, ne pas y croire. Mais que les choses soient claires, je ne me sens pas mal. Je me sens juste rien. Sans déprimer, sans pleurer, sans penser. Juste du vide. Plein de vide, qui emplit mes pensées jusqu'à mes paupières. C'est limite confortable, comme un énorme édredon dont on n'a même pas envie de connaître la taille, tout simplement parce qu'on s'en fout : on est bien, là, tout de suite et c'est ce qui compte. Le reste n'est que...

Je crois que j'ai juste envie de partir, comme dans un bon vieux cliché. Pour me noyer dans une nouvelle culture, dans de nouveaux gens que je n'ai pas encore croisés dans la rue sans les connaître. Apprendre de nouveaux gestes, de nouvelles routines lassantes mais marrantes. Avoir une nouvelle carte d'identité pour faire semblant d'avoir vraiment changé. Faire comme si de rien n'était et arrêter de bouger les jambes dans tous les sens. Parce que le faire en restant assise, ça ne sert à rien, un peu comme maintenant.
Bordel, être loin, pouvoir faire croire aux gens que je suis lisse comme un galet standard, poli par le roulis des vagues mêlées au pétrole de l'Erika, plutôt qu'un galet-concept, érodé par des années de conneries et de non-dits. J'ai simplement faim de rien, même plus envie de me poser des questions interminables, parce que je crois avoir trouvé la réponse. Et qu'elle n'est pas plus rigolote que ça. Mais ça ne compte pas.

En attendant, je vais fermer les yeux, parce qu'il le faut bien.



* et ben ouais, en plus d'avoir un côté geek, un Maïté, un pseudo-punko-nihiliste et un bouffeurdelivrepouroublierquerien, j'ai aussi un côté fashion-pouffe, n'en déplaise à personne.