lundi 18 août 2008

I'm finally dandy with the "me" inside.
























Does the punishment fit?
Or drag your style to zero?
IAMX - Kiss and swallow



" J'étais en train de faire la file au supermarché (pas "tranquillement", sans adverbe, quoi). Ni plus, ni moins. Je n'attendais rien, n'espérais rien. C'était juste une file, pas la pesée de l'âme et de la plume, merde.
Je patientais, les bras surchargés de denrées aussi variées qu'inutiles. Comme toujours, j'avais oublié de prendre liste, sacs et paniers. Encore un jour à faire la mule, mais ouais. J'en étais à réfléchir sur le complot mené par les grandes surfaces à propos des sacs en plastique payants qui ne sont pas écologiques pour un balle, vu qu'on en rachète toujours, vu qu'on les oublie tout le temps, quand soudain.

(Oui, "quand soudain" ça fait cliché. Mais j'aurais pu écrire "quand tout à coup", et ça c'est pire).

Quand soudain, je le vis. Genre 1m35, les cheveux châtains en bataille, les yeux gris délavé dénotant un certain intérêt pour le néant. Les bras maigres, posés sur un corps un peu difforme. Moi, quoi. Mais à sept ans. Ses lèvres (ou mes lèvres, au choix) bougeaient, mais je ne parvenais pas à franchir la barrière sonore des 500 autres personnes en train de dépenser en comptant. Je décidai donc de me rapprocher (oui c'est logique mais essaye de faire le lien autrement).

"422, 23 juin 1974, tu as été en retard au dîner et ton père t'a fait dormir dans le jardin"

Hein? (d'accord, "hein" ça ne s'écrit pas mais faut encore savoir quoi écrire à la place)

"647, 12 novembre 1979, ton premier procès pour harcèlement, 25 heures de travaux d'int..."

Trop. C'en était trop (ou du moins, ça faisait beaucoup en une fois). Ce petit con était en train de dresser le bilan de ma vie, ou plutôt de le hurler dans un super U. Le bilan négatif de ma vie, pour être exact. Toute ces choses que je croyais oubliées et qui m'affaiblissent encore trop aujourd'hui.

Alors, il a continué : "598, 5 décembre 1977, tu as tabassé Tom à coups de batte parce qu'il s'était moqué de ton nouveau blouson".

Alors, je n'ai plus tenu : je lui ai balancé mes courses une à une dans la gueule (plus de langage soutenu je veux bien mais c'est juste un brouillon). D'abord, avec un certain calme et des gestes que l'on pourrait qualifier de posés si on ne tenait pas compte de l'aspect psychiatrique de la chose, je lui ai écrasé trois oeufs sur la tête. Un par un, en lui malaxant bien les cheveux. J'entends encore les coquilles se fissurer puis céder en lui égratignant le coin des yeux et les pommettes. Ca, c'était juste avant la pizza. On ne dira jamais assez merci aux ingénieurs du Dr Oetker d'avoir créé de si belles pizza. Au diamètre épousant parfaitement les contours du visage d'un jeune enfant, le recouvrant jusqu'aux oreilles histoire de l'étouffer plus facilement. A la garniture si grasse, se transformant presque instantanément en bouillie au pouvoir obstruant assez intéressant. Vint le tour du vinaigre (tu crois vraiment qu'il faudrait arrêter la description alimentaire? C'est le meilleur pourtant...). Mais il ne criait pas. Il ne bougeait pas. Il avait la tête de celui qui attendait ce moment depuis toujours. Au moment de la moutarde (promis c'est le dernier détail gastronomique), les choses se sont envenimées. Les images se sont comme brouillées, pour faire place à une autre, nettement moins drôle : celle d'une grande blonde affublée d'une robe verte pas terrible, hurlante et échevelée, me lacérant le bras via ses ongles laqués rouge pute. Elle s'époumonait, mais bien comme il faut. Elle tenait dans ses bras un blondinet au regard vide de vie (on m'a dit ce jour-là que c'était ça, un état de choc et ... Ok je me tais!), à la bouche pleine de chiffres et de dates incohérents, qu'il égrenait d'une voix forte mais mal assurée. D'une voix d'adulte mal dans sa peau.
A chaque fois que je repense à cette scène, c'est marrant, on augmente mes doses et on remplace le capitonnage d'au moins un des murs de ma cellule qu'ils préfèrent appeler "chambre". J'aurais bien continué mais voilà Franck qui arrive avec le vallium. Le Vallium, même. Mais j'imagine qu'on se reverra. Tous. "